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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 2.djvu/119

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BARTHOLIN.


d'y porter le chyle, comme tons les anatomistes et comme lui-même l’avait cru.

Il est très-probable qu’il fut précédé par Rudbeck dans cette observation. Mais pour juger que Bartholin fut réellement inventeur, et ne dut rien qu’à lui-même, il suffit de lire ses ouvrages ; de voir la manière dont il a décrit les différentes tentatives qui l’ont conduit à reconnaître les vaisseaux lymphatiques, et dont il a peint sa surprise, sa joie, au moment où il commença à entrevoir sa découverte : son style est alors animé, plein d’intérêt et de passion.

La vérité ne se laisse voir qu’à ceux qui sont passionnés pour elle ; cet amour de la vérité est indépendant de la gloire que promettent les découvertes : il est pur, il produit où il accompagne les talents ; bien différent de l’amour de la célébrité qui ne les suppose, ni ne les donne, et qui, s’il est poussé à l’excès, leur nuit même quelquefois.

Au reste, le plaisir que Bartholin reçut de cette découverte l’emporta peut-être un peu trop loin. Il résultait de ses observations, que ce n’était pas dans le foie que le chyle se transformait en sang, comme les anciens l’avaient cru. Bartholin imagina en conséquence de faire, en style lapidaire, l’épitaphe de ce viscère. Il prolongea même cette plaisanterie, et, dans la liste de ses ouvrages, on voit des dissertations sur la mort du foie et sur les efforts employés vainement pour le ressusciter.

Un tel enthousiasme peut paraître voisin du ridicule ; mais on le pardonnera, si on songe que sans enthousiasme on ne parvient à rien de grand dans