Aller au contenu

Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 2.djvu/178

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
158
ÉLOGE DE M. LA CONDAMINE.


maîtres. Cet instituteur célèbre doit à ses élèves, bien plus qu’à ses ouvrages, la réputation qu’il conserve encore. Aussi simple dans ses mœurs qu’il l’était peu dans son style ; heureux par l’étude et par l’exercice de ses devoirs, le spectacle d’un bonheur si pur et si doux agissait sur l’âme de ses disciples plus puissamment que tous les préceptes : il leur inspirait le goût des lettres et de la vertu.

M. de la Condamine fit sa philosophie sous le P. Brisson. Il y avait plus de trente ans que le livre des Principes de Newton avait paru ; et le cartésianisme, que cet ouvrage avait détruit, ne s’était pas même encore introduit chez les jésuites : mais cette prétendue sagesse qui rend certains corps si lents à adopter des nouveautés, ne leur fait éviter aucune erreur : toujours se traînant à la suite de leur siècle, ils finissent par adopter tous les systèmes, et longtemps après que le reste des hommes en est détrompé. Ce fut en 1717 que le P. Brisson enseigna le premier, chez les jésuites, la philosophie de Descartes : il avait choisi M. de la Condamine pour soutenir une thèse publique, dédiée à l’Académie des sciences ; et la thèse était en français. Cette nouveauté n’eut pas de suite. Il est singulier peut-être qu’on ait continué d’enseigner en latin des sciences sur lesquelles on n’écrit plus qu’en français, et il semble que le contraire serait beaucoup plus raisonnable ; mais en suivant l’ancien usage, si on a le malheur de dire quelquefois des absurdités, on a du moins le triste avantage de n’être qu’obscurément ridicule.