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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 2.djvu/188

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ÉLOGE DE M. LA CONDAMINE.


l’instant où il avait été question de ces travaux, M. de la Condamine avait tourné toutes ses vues vers cet objet : le désir de faire un voyage si pénible, si dangereux, l’avait rendu astronome ; de la classe de chimie, il était passé dans celle d’astronomie ; et l’Académie avait senti combien le zèle et le courage de M. de la Condamine pouvaient servir au succès de l’entreprise. M. Bouguer, géomètre assez habile pour qu’aucune des questions dépendantes de la théorie ne pût l’arrêter, avait approfondi, avec une sagacité rare, la plupart des branches de la physique, et surtout l’optique, dont l’astronomie ne peut pas se passer ; il possédait encore ce genre d’esprit qui fait démêler les petites causes qui s’opposent à l’exactitude d’une opération pratique, et trouver les moyens d’y remédier ; il réunissait enfin toutes les qualités qu’on pouvait désirer pour le succès de l’opération. Mais cette entreprise avait des difficultés étrangères aux sciences ; elle demandait, dans les hommes qui en seraient chargés, d’autres ressources que celles qu’on pouvait attendre de M. Bouguer. La mesure du degré du méridien devait se faire au Pérou : le roi d’Espagne y avait consenti, et même avait chargé deux officiers de ses vaisseaux d’accompagner les académiciens ; mais il fallait opérer dans un pays peu habité, où les communications sont difficiles, où l’on ignore les arts de l’Europe, au milieu d’une nation étrangère nouvellement soumise à un prince de la maison de France, et chez qui toute faveur accordée à des Français réveillait la jalousie natio-