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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 2.djvu/235

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ÉLOGE DE M. TRUDAINE.


qui attachent l’homme à la patrie ; à transformer en une charge odieuse ce qui ne serait, dans une société bien réglée, qu’un acte de citoyen, une contribution à la dépense commune de l’État, un sacrifice de chacun à la sûreté de la patrie, et à la sienne propre. M. Trudaine était même persuadé que la réduction des impôts indirects à un seul impôt direct, loin d’être une chimère, comme quelques politiques ont paru le croire, pourrait s’exécuter sans troubler le repos des citoyens, sans se permettre aucune injustice même passagère, et qu’il ne fallait, pour opérer une révolution si nécessaire au bonheur public, que du temps, de la sagesse, des vues saines et du courage.

Cependant, enchaîné par les circonstances, subordonné toujours (si on en excepte deux époques très-courtes) à des ministres qui avaient d’autres opinions que les siennes, M. Trudaine ne pouvait suivre ses principes dans toute leur étendue : mais il cherchait toujours à diminuer la complication des droits, à les concilier avec l’intérêt du commerce ; il se rapprochait de cette simplicité à laquelle il sentait trop qu’il ne pouvait espérer d’atteindre : tel un pilote, porté sur une mer orageuse, et forcé d’obéir à des vents qui le poussent successivement vers tous les points, et tendent à l’écarter de sa route, paraît céder à leur impulsion, et naviguer au hasard ; tandis qu’occupé sans cesse du point où il veut se rendre, il y dirige toutes ses manœuvres, et fait servir, à se rapprocher de son but, les mêmes forces qui semblent devoir l’en écarter.