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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 2.djvu/236

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ÉLOGE DE M. TRUDAINE.

M. Trudaine désirait depuis longtemps de trouver un canton où, sans gêner l’administration générale, il put faire un essai de ses principes, et opposer aux hommes qui les rejetaient, une preuve de fait qui, sans être plus concluante que les preuves de raisonnement, serait du moins plus difficile à combattre. Dans un voyage entrepris pour rétablir sa santé, il avait vu ce pays de Gex, alors honoré par le séjour de M. de Voltaire, et devenu l’objet de la curiosité des voyageurs éclairés qui s’empressaient d’aller rendre hommage au génie. Ce petit pays, séparé de la France par une chaîne des Alpes, mais ayant une communication libre avec la Suisse, ne pouvait être assujetti à des droits de consommation, sans employer une foule de préposés, sans une dépense excessive. Les maux qui étaient la suite trop nécessaire de cette position, et qu’il fallait peut-être attribuer à la situation du pays et à la forme des impôts, plutôt qu’aux hommes qui en paraissaient les auteurs ; ces maux avaient souvent fait couler les larmes du vieillard de Ferney ; souvent il les avait combattus par son éloquence, et soulagés par ses bienfaits. Il n’eut pas de peine à se faire entendre au cœur de M. Trudaine ; et cet administrateur humain et éclairé profita d’un moment où les principes du gouvernement paraissaient se rapprocher des siens. Une contribution unique, imposée par le pays même, remplaça cette foule d’impôts sous lesquels il gémissait ; et le peuple, malheureusement trop peu nombreux que renferment ces montagnes, vit naître grâce à MM. de Voltaire et