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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 2.djvu/289

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ÉLOGE DE M. DE JUSSIEU.


cessation brusque de tout exercice l’appesantit peu à peu ; son embonpoint augmenta. Cependant, quoiqu’il eût essuyé quelques étourdissements dans le cours de l’été dernier, sa santé n’en paraissait point affaiblie. Il assista à nos assemblées du mois de septembre : mais le 20 du même mois il fut frappé d’apoplexie. Des secours prompts le rappelèrent à la vie ; il retrouva sa tète et sa mémoire ; mais il ne put retrouver ses forces ; elles allèrent toujours en décroissant, et il mourut le 6 novembre, après six semaines de langueur, dans les bras de ses neveux et de ses domestiques, dont il recevait les soins avec reconnaissance ; au milieu de ses amis, dont il cherchait à consoler la douleur par cette gaieté douce et touchante qui accompagne encore dans ses derniers instants le philosophe qui a su apprécier la vie, et l’homme juste qui meurt sans remords. Il ne paraissait point avoir changé, si ce n’est dans sa dernière maladie ; il était plus doux encore, plus calme et plus sensible que dans le reste de sa vie ; sa famille, ses amis, qui n’avaient presque jamais connu sa sensibilité que par ses soins, ses bienfaits et ses services, le virent avec attendrissement et avec douleur parler alors le langage de l’amitié, dont ils ne lui avaient connu que les procédés ; et il leur dit pour la première fois combien il les aimait, lorsqu’il sentit qu’il fallait renoncer pour toujours au plaisir de leur en donner des preuves.

Les mœurs de M. de Jussieu étaient pures et même sévères : tout ce qui était contraire à la dé-