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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 2.djvu/339

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ÉLOGE DE M. DE HALLER.


prêt à lui rendre compte d’une vie employée tout entière à étudier la nature, et à faire du bien aux hommes.

Il exigea d’un de ses amis, M. Rosselet, son médecin, de ne lui rien cacher de son état. Son ami eut le courage de lui dire la vérité, et lui fixa l’automne de 1777 pour le terme de sa vie. M. de Haller l’entendit sans trouble, continua sa manière de vivre ordinaire, s’occupa lui-même, dans ses derniers moments, de suivre le progrès du dépérissement de ses organes. Il se tâtait le pouls de temps en temps : Mon ami, l’artère ne bat plus, dit-il tranquillement à M. Rosselet, et il expira. Il fut enlevé à sa patrie, âgé de soixante-neuf ans, le 12 décembre 1777, cinq semaines après M. de Jussieu. L’humanité devait bientôt avoir encore à pleurer quelques-uns de ces hommes rares, nés pour l’éclairer ou pour la défendre. Dans moins de huit mois elle a perdu Jussieu, Haller, Linnæus, Voltaire et Rousseau. Jamais une époque funeste aux sciences et aux lettres n’a rassemblé, dans un si court espace, des pertes si grandes et si multipliées.

Peu de savants sont nés avec une aussi grande facilité, et peu ont perdu moins d’instants que M. de Haller. Il passait sa vie dans sa bibliothèque, entouré de ses élèves, de ses amis, de ses concitoyens, de ses enfants, de sa femme, à laquelle il avait inspiré le goût des sciences ; tous faisaient sous ses yeux des extraits de livres, ou dessinaient des plantes et des animaux.

Son activité était si grande, qu’un jour qu’il