chaque jour, la reconnaissance de ses disciples lui
présentait de nouvelles merveilles produites par la
nature, aux extrémités du globe : on eût cru voir
des enfants occupés de consoler les derniers jours
d’un père chéri. Devenu enfin incapable d’agir et de
penser, il goûtait encore quelque plaisir en parcourant
de ses yeux éteints, les plantes nouvelles que
son disciple Thunberg venait de lui envoyer des extrémités de l’Asie.
Très-peu de temps après son attaque d’apoplexie, il dressa lui-même une courte notice de sa vie, et il voulut qu’elle fût envoyée à l’Académie, pour servir de matériaux à son éloge. C’est avec une égale simplicité qu’il y parle de ses travaux, de ses découvertes, ou qu’il convient de ses défauts. Il avoue qu’il fut peut-être trop facile à s’émouvoir, ou à s’irriter ; que, lent à embrasser une opinion, il tenait peut-être avec trop d’opiniâtreté à celles qu’il avait une fois adoptées ; qu’il ne souffrit avec assez de modération, ni les critiques qui s’élevèrent contre lui, ni les contradictions qu’il éprouva de la part de ses rivaux. Ces aveux prouvent seulement que M. de Linné eut pour la gloire une passion véritable, et que cette passion a, comme toutes les autres, ses excès et ses faiblesses : mais combien peu d’hommes ont comme lui le courage d’avouer ces faiblesses, et surtout le courage plus rare d’en souffrir seuls et en secret ? Car, en jugeant M. de Linné d’après sa conduite, personne ne l’eût soupçonné de ces défauts ; et pour qu’ils fussent connus, il a fallu qu’il les révélât.