ou plutôt la nécessité d’unir la lecture à l’observation,
lui donna un jour une preuve singulière et personnelle
de la vérité de cette opinion ; il lui présenta
une description latine du trou ovale. M. Lieutaud
la lut, la trouva écrite, à la vérité, dans un latin
qui n’était pas du bon siècle, mais fut frappé de la méthode, et surtout de l’exactitude qui y régnaient ;
il eut même la bonne foi de préférer cette description
à celle que lui-même en avait donnée dans un
des mémoires que nous venons de citer : il apprit
alors, avec quelque surprise, que cette description
latine si exacte était de Galien, et il convint que
peut-être il avait eu tort de trop négliger les recherches d’érudition. En effet, il est impossible que
la vie d’un seul homme suffise à l’observation de
tous les faits qui forment l’ensemble d’une science :
c’est aux observations successives d’un grand nombre
d’hommes qu’elles devront leur perfection ; et
les savants sont forcés de choisir entre l’impossibilité
presque absolue d’accélérer les progrès des
sciences s’ils veulent tout voir par eux-mêmes, et le
danger d’adopter des erreurs, s’ils s’en rapportent à
ce que d’autres ont vu. Heureusement dans les
sciences, les vérités sont liées entre elles ; il existe
des faits fondamentaux, pour ainsi dire, sur lesquels
s’appuie tout l’ensemble d’une théorie ; ce sont ces
vérités premières, ces faits principaux qu’il est seulement nécessaire de vérifier par ses propres yeux,
toutes les fois qu’on veut en étendre les conséquences,
ou les faire servir de base à des vérités
nouvelles. D’ailleurs, on acquiert par l’habitude une
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ÉLOGE DE M. LIEUTAUD.
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