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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 2.djvu/424

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ÉLOGE DE M. LIEUTAUD.


sorte de tact aussi prompt que sûr, avec lequel ou distingue au premier coup d’œil l’écrivain qui a saisi la vérité, de celui qui a pu se tromper ; on sait démêler, dans une description, ce qui appartient à la nature, de ce que les opinions de l’observateur peuvent y avoir ajouté ; enfin, la conformité entre des auteurs qui n’ont pu se concerter ou qui se sont combattus, devient une sorte de preuve : car telle est la condition humaine, que, même dans les sciences physiques, la plupart des faits que nous croyons, ou sur lesquels nous fondons nos opinions, n’ont pour nous qu’une certitude, ou, pour parler plus exactement, qu’une probabilité morale : ainsi la vérité des faits s’y fonde presque toujours sur le même genre de preuves que celle des faits historiques ; et il est heureux pour les progrès des sciences, comme pour notre bonheur, d’oublier dans le travail, comme dans la conduite de la vie, cette incertitude effrayante à laquelle nous sommes condamnés.

En 1759, M. Lieutand, attaché à Versailles par de nouveaux liens, demanda et obtint le titre d’associé vétéran de l’Académie. Il n’avait pourtant rien perdu de son activité pour le travail : il publia, la même année, un traité de médecine pratique. M. Lieutaud avertit, dans sa préface, que la médecine n’a point de remèdes contre l’intempérance, et que la jouissance libre de nos facultés, l’exemption des maladies graves, une longue vie, une vieillesse saine, ne sont point un présent de l’art, mais le prix de la sobriété et de la sagesse : il fait observer