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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 2.djvu/427

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ÉLOGE DE M. LIEUTAUD.


mauvais choix qu’ils peuvent faire en d’autres genres : on ne peut guère en accuser leur indifférence pour le bien de leurs sujets, s’il est une fois prouvé qu’ils n’ont pas souvent été plus heureux, et qu’ils ont été dupes des mêmes artifices dans le choix de leurs médecins. Nous ne nous serions pas permis ces réflexions, si la nomination de M. Lieutaud ne s’était pas trouvée à l’abri de tout soupçon, et si cette première grâce du nouveau règne n’avait été un acte de justice et de reconnaissance.

Le premier usage que M. Lieutaud fit de sa place fut de donner au roi le conseil de se faire inoculer, conseil bien imposant dans la bouche d’un vieux médecin, déjà célèbre lorsque l’inoculation a commencé à faire du bruit en France ; on ne pouvait le soupçonner ni de l’approuver par préjugé, ni de la protéger par vanité. Ce conseil peut même être regardé comme une action de courage dans un homme qui, témoin des progrès de l’inoculation parmi nous, et des obstacles qu’elle a éprouvés, savait à quel incroyable degré de fureur les médecins anti-inoculateurs ont porté leur aversion pour cette opération, la seule peut-être des pratiques de médecine dont les effets salutaires soient rigoureusement prouvés.

Quelque étranger qu’eût toujours été M. Lieutaud à la vie et aux mœurs de la cour, cependant il avait bientôt appris à connaître le caractère de ceux qui l’habitent. La connaissance des hommes est moins difficile à acquérir qu’on ne l’imagine, pour ceux à qui ils ne croient pas avoir intérêt de se ca-