par de grands ouvrages : les corps qui le traitaient
avec de si grandes distinctions n’étaient pas entraînés
par la force souvent irrésistible de l’opinion publique ;
ils ne cédaient qu’à la connaissance qu’ils
avaient de ce que M. Bertin devait être un jour, à
leurs lumières et à la justice. Il était doué d’une
mémoire prodigieuse, d’une ardeur infatigable pour
l’étude, d’une constitution qui le rendait capable
d’une application longue et profonde. Ses maîtres,
ses confrères, ses disciples, le regardaient comme
destiné à se placer au rang des plus grands anatomistes,
et il pouvait espérer, dans la capitale, ces
avantages de fortune, cette considération que le mérite
livré à lui-même obtient dans la profession de
médecin, bien plus sûrement que dans aucune autre ;
mais il était né avec une timidité extrême qui s’effrayait de tout, et que tous les
obstacles rebutaient ; il imagina que, pour être quelque chose, il fallait qu’il se trouvât seul, et il accepta la place de premier médecin de l’hospodar de Valachie et de Moldavie.
Ces princes, nourris dans la servitude du sérail,
passent tout à coup au rang des souverains, mais
sans cesser d’être esclaves : tyrans avides d’un peuple
lâche et féroce, ils le dépouillent pour enrichir les
esclaves qui règnent à Constantinople, et dont il leur
faut acheter la protection, ou craindre la vengeance.
La première lettre que M. Bertin écrivit de cette
cour, respirait déjà la terreur que les mœurs de ce
pays lui inspiraient. « Vous trouverez quelque désordre
dans ma lettre, mandait-il au ministre qui
lui avait procuré sa place, mais il faut me le
par-
Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 2.djvu/457
Cette page n’a pas encore été corrigée
437
ÉLOGE M. BERTIN.
![](http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/8/8b/Condorcet_-_%C5%92uvres%2C_Didot%2C_1847%2C_volume_2.djvu/page457-1024px-Condorcet_-_%C5%92uvres%2C_Didot%2C_1847%2C_volume_2.djvu.jpg)