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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 2.djvu/458

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ÉLOGE DE M. BERTIN.


donner ; on vient de me forcer d’assister au supplice de mon prédécesseur. » Heureusement pour M. Bertin, l’hospodar fut rappelé au bout de quelques années. Il proposa à son médecin de le suivre à Constantinople ; mais quelque espérance de fortune qu’on lui présentât, M, Bertin ne se sentit pas le courage de braver à la fois les dangers du despotisme et ceux de la peste ; il partit pour revenir en France, et traversa heureusement la Hongrie. Arrivé à Vienne, il fut présenté à l’impératrice-reine par un de ses médecins ; et cette princesse, alors en guerre avec la France, voulut bien lui accorder une escorte pour l’accompagner jusqu’à la frontière. Accoutumé à l’anarchie et au brigandage de la domination ottomane, M. Bertin, qui ignorait malheureusement la langue de ses gardes, s’imagina qu’ils avaient formé un complot contre sa vie ; il s’échappa et alla chercher sa sûreté dans un marais, où il resta longtemps plongé dans l’eau jusqu’au cou : cependant ses gardes le retrouvèrent ; on parvint à le rassurer, et il arriva en France, où cette même frayeur machinale devait l’exposer à de nouveaux malheurs. Elle tenait sans doute à son organisation, susceptible de recevoir des impressions violentes, et dépourvue de la force nécessaire pour y résister ou les subjuguer. Mais l’éducation avait peut-être encore augmenté cette faiblesse. Le plus grand bien qu’elle put procurer à l’homme, serait sans doute de le mettre à l’abri de toutes les terreurs machinales, de lui apprendre à se servir de sa raison, même au milieu du danger, à juger jusqu’à quel point il doit le