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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 2.djvu/491

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ÉLOGE DE M. DE MAUREPAS.


la France, étant alors la seule grande puissance qui eut à la fois des hommes et des trésors, elle devait, tant que l’or de l’Angleterre et de la Hollande ne serait pas à la disposition de ses ennemis, ou conserver la paix, ou n’avoir que des guerres courtes et heureuses. D’ailleurs, si une économie sévère du trésor de la nation est toujours un devoir pour les rois, ce devoir était alors imposé par la nécessité comme par la justice : ces considérations déterminèrent le cardinal ministre à laisser la marine dans l’état de faiblesse où il l’avait trouvée. Il oublia trop que le moyen le plus sûr pour une puissance de convaincre ses voisins de sa modération, n’est pas de s’exposer à la faire prendre pour de la faiblesse, et que la véritable économie consiste à se préserver, par des dépenses réglées, du danger d’être contraint à des dépenses extraordinaires et forcées.

M. de Maurepas, obligé de renoncer à l’honneur de rétablir la marine militaire, sut rendre son ministère brillant au milieu même de la paix, en faisant servir la marine aux progrès même des sciences, et les sciences aux progrès de la marine. Chargé de l’administration des académies, il réunissait toute l’autorité nécessaire pour l’exécution de ses projets.

Cette partie de son histoire est celle qui nous intéresse le plus, et qui peut-être lui assure la réputation la plus durable. Il est peu d’événements politiques dont le souvenir se conserve autant que celui d’une grande entreprise liée au système général de l’univers, ou au progrès de l’esprit humain. On se souvient de la bibliothèque des Ptolémées, bien plus