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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 2.djvu/503

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ÉLOGE DE M. DE MAUREPAS.


avait l’art de ne les laisser apercevoir qu’à celui qui devait en être flatté.

Nul ministre n’a paru moins mystérieux ; la gravité, l’importance lui paraissaient un ridicule dans les autres ; et s’il craignait peu les ridicules qu’on lui voulait donner, il évitait jusqu’au scrupule ceux qu’il aurait pu se donner à lui-même. Ses ennemis lui ont reproché d’être indiscret ; mais souvent ce qu’on appelait ses indiscrétions, ou plutôt ses prétendues imprudences, était réfléchi : il laissait échapper ce qu’il voulait bien qu’on sût, quand il ne devait pas le prononcer.

Le ministre de la maison du roi est en quelque sorte le juge de ces petites querelles d’étiquette, de rang, de droits, de places, qui occupent si souvent les cours. La raison les méprise, mais les suites qu’elles peuvent avoir leur donnent une importance nécessaire ; on ne peut les traiter avec gravité sans s’avilir en quelque sorte ; on ne peut paraître les dédaigner sans montrer pour ceux qu’elles agitent un mépris qui les blesse. Cette partie du ministère, si petite par son objet, expose celui qui en est chargé à des haines plus actives, plus dangereuses que les affaires de son administration les plus importantes au bonheur des peuples. Elle exige une grande connaissance des détails de l’histoire, des ressources dans l’esprit, pour empêcher des querelles minutieuses de dégénérer en haines ou en cabales, et pour trouver des expédients qui satisfassent ou consolent deux vanités opposées ; elle demande un mélange heureux de douceur et de gaieté qui fasse pardon-