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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 2.djvu/506

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ÉLOGE M. DE MAUREPAS.


jamais rouvrir ; les pères voulaient s’assurer par leurs yeux qu’ils n’avaient plus à redouter d’apprendre, à leur réveil, le crime ou le déshonneur de leurs enfants ; et les bénédictions du peuple furent la digne récompense de cet acte d’humanité et de justice. Des motifs semblables avaient déterminé M. de Maurepas à détruire le privilège de la traite des nègres, que la compagnie des Indes avait obtenu. Trop éclairé pour ne pas savoir que ce trafic est un véritable crime qu’aucune raison d’intérêt ou de politique ne peut excuser, il sentait que l’administration, qui différait (sans doute malgré elle) de détruire cet usage si digne du siècle où il s’est établi, ne devait pas du moins paraître l’autoriser, eu accordant à un corps légalement établi le droit exclusif de commettre ce genre de crime ; que le gouvernement partagerait la honte de ce commerce, tant qu’il serait fait par une compagnie soumise à son inspection, et qu’il fallait laisser cette honte tout entière à ceux qui voudraient acheter à ce prix une fortune souillée du sang des hommes.

M. de Maurepas jouissait, à la mort du cardinal de Fleury, d’une réputation d’intégrité, de douceur, de modération, que personne ne lui disputait ; ses ennemis ne lui refusaient ni la connaissance des hommes, ni celle des affaires ; mais la digue qui soutenait les ministres contre les intrigues de la cour était rompue. M. de Maurepas s’aperçut bientôt combien sa place devenait orageuse ; et il attendit patiemment l’instant de sa chute, bien sûr qu’elle n’aurait sur son bonheur qu’une légère influence.