Aller au contenu

Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 2.djvu/509

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
489
ÉLOGE DE M. DE MAUREPAS.


vérité comme la source la plus réelle et la plus féconde du bonheur des hommes ; passion si rare, que plusieurs philosophes ont été tentés d’en nier l’existence, et d’en attribuer tous les effets à un désir secret de la gloire, par lequel sont entraînés, à leur insu, ceux même qui ne se croient animés que de l’amour de la vérité.

M. de Maurepas n’avait pas besoin de ce sentiment ; il s’était occupé des affaires sans passion ; il les quitta sans regret ; et il avait beaucoup plus à remplir le vide de son temps que celui de son âme.

Il menait dans sa disgrâce une vie occupée, jouissant de tous les plaisirs de la société et de la réfutation d’un homme aimable ; entouré d’un grand nombre d’anciennes connaissances, qui, ne l'ayant point abandonné dans sa retraite, pouvaient mériter le nom d’amis ; soutenu par la considération publique, sans laquelle un ministre, qui n’a conservé ni espérance ni parti, est presque condamné à la solitude.

Après vingt-cinq ans d’une vie privée, il fut rappelé dans le ministère en 1774, non plus pour remplir des départements, mais pour être le conseil et le guide du roi, qui, placé à vingt ans sur le trône, croyait avoir besoin qu’un homme, longtemps chargé des fonctions les plus importantes du gouvernement, étranger aux partis qui pouvaient diviser la cour, et jouissant de l’estime générale, fût en quelque sorte auprès de la nation le garant des espérances qu’elle fondait sur un nouveau règne.

En arrivant à la cour, il se vit entouré une seconde