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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 2.djvu/555

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ÉLOGE DE M. D’ANVILLE.

L'ignorance dans laquelle les juifs étaient plongés, le silence des écrivains profanes sur une petite province abîmée dans les empires des Assyriens, des Perses, d’Alexandre, des Séleucides, des Romains, des Califes et des Turcs, la dispersion de ses habitants, la barbarie de ses derniers maîtres, tout rendait difficile de décrire un pays stérile où rien n’appelle le commerce, et qui, depuis dix siècles, n’a été parcouru que par des croisés ou par des pèlerins. Il ne put échapper cependant à la sagacité de M. d’Anville, et l’on ne sait ce qui doit étonner le plus, ou de l’immensité du travail nécessaire pour embrasser, dans la vaste étendue de l’empire romain, cette foule de nations, de colonies, d’établissements militaires et civils qu’il renfermait, ou de la critique délicate qu’il fallait employer pour retrouver quelques bourgades détruites par les mêmes Romains, il y a seize siècles, dans un coin de l’Asie.

Lorsque M. d’Anville donnait une carte importante, il y joignait une analyse de cette carte, c’est-à-dire, l’exposé des raisons d’après lesquelles il avait déterminé la position des points les plus importants ; c’était révéler, en quelque sorte, le secret de son exactitude ; mais il évitait toute charlatanerie ; il voulait qu’il n’y eût rien de merveilleux dans ses ouvrages, que l’immense étendue de ses connaissances, son obstination au travail, et la sagacité de sa critique.

On croirait qu’un géographe si laborieux a parcouru quelques-uns des pays qu’il a décrits, et qu’il