être lettré, et, ce qui peut-être étonnera un jour
nos neveux, cette dispute s’agitait sérieusement
chez un peuple et dans un siècle éclairé ; il est vrai
qu’à cette question si simple, on en joignait d’autres
qui pouvaient paraître plus compliquées : on
demandait s’il était utile ou dangereux qu’un même
homme exerçât à la fois toutes les parties de l’art de
guérir ; et, ce qui est encore une question différente,
si chacune de ces parties d’un même art doit
appartenir à un corps particulier qui s’y consacre
spécialement, et jouisse du droit d’empêcher les
malades de confier à qui ils veulent le soin de leur
vie. Il avait bien fallu confondre tous ces objets,
pour occuper le public, pendant plusieurs années,
d’une querelle dont les hommes instruits commençaient
à rire dès la fin du seizième siècle. Heureusement
le père de M. Bordenave ne s’était pas trompé
en prévoyant que, du moins pour cette fois, la raison
finirait par l’emporter. Son fils, placé à l’époque
où la connaissance des langues savantes est devenue
une des obligations d’un chirurgien, eut à cet égard
des avantages sur un grand nombre de ses confrères
plus anciens que lui : et il dut à la facilité avec laquelle il parlait le latin, non sa réputation, mais la
considération qu’il obtint avant l’âge dans son corps
et dans les écoles.
La place de professeur qu’il y occupait, celle de directeur de l’Académie de chirurgie, celle encore de commissaire aux extraits dans la même compagnie, enfin une pratique très-étendue, ne suffisaient point à l’activité de M. Bordenave ; non-seulement