peu étendue un corps composé d’hommes éclairés,
si une partie de ses membres occupait les places du
gouvernement. On a craint, pour le maintien de l’égalité
républicaine, l’espèce de supériorité qu’auraient
dans les affaires des hommes accoutumés à la
réflexion et au travail, et qui joindraient an crédit
de la magistrature, l’empire qu’ils conserveraient sur
leurs disciples et l’autorité de leurs lumières. Mais
quoique M. Bernoulli ne pût être membre du gouvernement
de son pays, il sut en être un citoyen
utile ; les plus éclairés, les plus sages, les plus vertueux de ses compatriotes se faisaient un honneur
de l’avoir pour ami, et un devoir de le consulter.
Son avis sur les affaires était-il connu du public, il
donnait au parti qu’il avait embrassé l’autorité d’un
nom révéré ; ceux qui avaient des intentions coupables
n’ignoraient pas qu’il saurait les pénétrer ; et
la crainte du jugement d’un grand homme, l’honneur
de sa patrie, les effrayait plus que celle de
l’opinion publique, qu’on se flatte toujours de séduire,
de ramener, ou de forcer au silence.
M. Bernoulli jouissait à Bâle d’une considération que l’homme de génie n’obtient qu’après avoir survécu à la jalousie des contemporains, apprivoisé ou soumis l’orgueil des grands, et triomphé de l’ignorance ou de l’insensibilité du peuple. Quand il traversait les rues de la ville, les citoyens de tous les ordres le saluaient avec respect ; et ce devoir était une des premières leçons que les pères donnaient à leurs enfants.
Sa vie uniiforme et réglée, exempte de passions et