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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 2.djvu/599

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ÉLOGE DE M. BERNOULLI.


même de chagrins, si l’on excepte ceux qui sont une suite nécessaire de la condition humaine, lui procura une santé constante : malgré la délicatesse de son tempérament, il conserva, jusqu’à près de quatre-vingts ans, sa tête tout entière. Ses derniers ouvrages sont dignes encore de lui ; et ce qu’il a fait depuis l’âge où tant d’hommes sont condamnés à l’inutilité eût suffi pour faire la réputation d’un autre géomètre. Quelques années avant sa mort, il avait renoncé à la société, qui n’était plus que fatigante pour lui ; mais il se faisait porter tous les soirs dans une maison où se rassemblaient cinq ou six personnes avec lesquelles il était lié depuis longtemps ; ne recevant plus les étrangers que la vaine curiosité amenait chez lui, il ne faisait d’exception qu’en faveur de ceux qui, célèbres dans l’Europe, excitaient en lui le même sentiment qu’il leur avait inspiré. Dans ses dernières années, une espèce d’asthme, très-fatigant, lui ôta le sommeil et les forces ; au commencement de mars 1782, ses infirmités redoublèrent, il n’eut plus qu’une existence pénible, jouissant à peine de sa tète quelques heures de la journée, et le 17 au matin, sou domestique, en entrant dans sa chambre, le trouva mort dans son lit : un sommeil paisible de quelques heures avait précédé son dernier moment, et lui avait épargné tout ce qu’il aurait pu éprouver de regrets ou de souffrances.

Pleuré de sa famille et de ses concitoyens, qui s’honoraient de son génie et de ses vertus, il a laissé aux sciences des monuments consacrés pour jamais dans leurs fastes ; aux savants, des leçons utiles sur