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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 2.djvu/601

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ÉLOGE DE M. DE MONTIGNI.


le-Grand furent assez brillants pour inspirer aux jésuites le désir île l’attirer dans une société où l’on estimait les talents, du moins comme des instruments utiles à la gloire de l’ordre, lis lui faisaient espérer dans cet ordre une liberté entière de suivre ses goûts, liberté que sa famille, qui voudrait sans doute le condamner à prendre un état, ne lui laisserait pas dans le monde. Il devait trouver dans une société religieuse ce repos, cette indépendance des événements que l’homme le plus modéré dans ses désirs, le plus maître de ses passions, a bien de la peine à conserver ; il mettait son salut à l’abri de tous les dangers du siècle : et quel emploi plus noble pouvait-il faire de sa vie que de la consacrer au Dieu qui la lui avait donnée, et de reconnaître tous ses bienfaits en se dévouant à le servir ? Ces insinuations devaient facilement séduire roi jeune homme qui renonçait au monde pour le cloître, sans connaître ni le cloître ni le monde, ne pouvait sentir encore toute l’étendue du sacrifice qu’il voulait faire, et tout le poids de la chaîne dont il allait se charger.

Le père de M. de Montigni ne voyait pas les jésuites du même œil que son fils. À peine s’aperçut-il de ses dispositions, qu’il les combattit avec toute la force de l’autorité et de la tendresse paternelles ; mais il trouva de la résistance. Une correspondance secrète, que le jeune homme entretenait avec le père Tournemine, détruisait le fruit de tout ce qu’un père tendre et raisonnable pouvait essayer sur le cœur de son fils ; il fut obligé de l’emmener à la campagne