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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 2.djvu/602

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ÉLOGE DE M. DE MONTIGNI.


pour le soustraire à ces insinuations dangereuses. Alors les sentiments naturels, que ses maîtres avaient étouffés, rentrèrent facilement dans un cœur qui était fait pour en suivre, pour en chérir les douces impressions.

Il sentit combien il aurait affligé son père, en lui enlevant les consolations de sa vieillesse et les dernières espérances de sa vie ; combien il serait doux pour tous deux de s’occuper chacun du bonheur de l’autre ; il apprit qu’avec une fortune qui lui permettrait d’être indépendant, il cultiverait son goût pour les sciences avec plus de liberté dans le monde que chez les jésuites ; il comprit que Dieu n’exigeait pas d’un fils qu’il abandonnât son père ; d’un savant, qu’il soumît ses travaux et ses pensées aux opinions de son supérieur ; d’un citoyen, qu’il se donnât un maître étranger ; et qu’enfin on pouvait cultiver les sciences, servir l’humanité, vivre en honnête homme et être chrétien sans se faire jésuite. Ainsi, pour conserver les expressions des mémoires que nous avons reçus de la famille de M. de Montigni, il revint à Paris moins dévot, mais plus raisonnable et meilleur fils.

Alors il ne songea plus qu’à cultiver ses dispositions pour les sciences ; il se lia avec les savants qui s’étaient illustrés par leurs travaux, et dont l’âge ne s’éloignait pas trop du sien ; tels que M. le comte de Buffon, alors occupé des mathématiques, qu’il abandonna bientôt après, pour se livrer aux travaux d’un autre genre, par lesquels il a su se faire une si grande célébrité ; et M. Fontaine, que le caractère