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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 2.djvu/608

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ÉLOGE DE M. DE MONTIGNI.


progrès des manufactures, qui approchent d’autant plus de la perfection, qu’elles laissent moins à faire aux mains des hommes. Cependant, ce dernier établissement avait des préjugés à vaincre ; on croyait ces machines nuisibles précisément par le même principe qui les rend si utiles, parce qu’elles font plus de travail avec moins de bras. Il est vrai que ce principe, qu’une fausse humanité opposait à l’introduction de ces machines, aurait dû aussi faire rejeter la charrue, les voitures de transport, les canaux, les moulins, l’imprimerie, presque tous les arts ; et il n’est point difficile de sentir que toute épargne dans la main-d’œuvre, loin de diminuer les moyens de travail pour le peuple, tend au contraire à multiplier ces moyens mêmes, en augmentant pour tous les hommes la masse des objets de consommation, et par conséquent celle de leurs jouissances et de leurs richesses. D’ailleurs, dès qu’une nation a une fois adopté des machines de ce genre, les autres n’ont plus la liberté du choix ; il faut qu’elles I imitent, sous peine d’être condamnées, dans tous les marchés de l’Europe, à une infériorité ruineuse et humiliante.

Peu après, M. de Montigni s’occupa de perfectionner les teintures en fil et en coton, de rétablir les manufactures de Beauvais et d’Aubusson, qui étaient tombées dans la langueur, et d’établir dans cette dernière ville une fabrique de tapis de pied supérieurs aux tapis de Perse et de Turquie, non pour la durée ou la solidité des couleurs, mais pour l’agrément et le bon goût du dessin.