Aller au contenu

Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 2.djvu/611

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
591
ÉLOGE DE M. DE MONTIGNI.


tout le mal qui est en notre pouvoir. Heureux le peuple, lorsque, dans ces tristes circonstances, il trouve parmi les hommes éclairés un défenseur intègre et courageux, qui sache à la fois et faire entendre la voix de la justice, et ménager des intérêts qu’on croit liés à ceux du gouvernement !

Après avoir désabusé les habitants de la Franche-Comté, il fallait encore détromper les Suisses que les mêmes bruits dégoûtaient de nos sels. M. de Montigni s’en chargea. En exposant avec simplicité ce qui était vrai, en inspirant la confiance par ses lumières, comme par sa franchise, il réussit sans peine auprès d’un peuple qui, respecté depuis longtemps en Europe par sa candeur, a mérité de l'être, dans ce siècle, par les hommes de génie qu’il a produits, et par le prix qu’il attache aux lumières.

Pendant ce voyage, M. de Montigni vit à Ferney M. de Voltaire, dont la sœur avait épousé son oncle paternel. On sait que pendant sa longue carrière, il n’avait point existé en Europe un malheur public sur lequel M. de Voltaire n’eût répandu des larmes, qu’il n’eût essayé de réparer, que du moins il n’eût dénoncé à cette petite portion de l’humanité qui fait sa principale occupation du bonheur général de ses semblables, et dont il avait mérité d’être en quelque sorte l’orateur et le chef ; mais les malheurs des peuples voisins de ses terres étaient un tourment pour son cœur, en qui cet amour de l’humanité était, devenu par une longue habitude, une véritable passion.

Il proposa à M. de Montigni de se joindre à lui,