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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 2.djvu/659

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ÉLOGE DE M. DUHAMEL.


de la mécanique ; les faits qui ne peuvent entrer dans cet ordre, ou qui semblent le contredire, frappent moins l’imagination, étonnent moins la raison, parce qu’il n’en résulte point, comme dans le système des êtres animés, un mal inévitable et direct pour nous-mêmes ; ainsi l’observation du règne végétal semble rappeler plus fortement l’idée d’une cause première, nous entretenir plus souvent de ses bienfaits, et porter plus naturellement notre âme à la reconnaissance. Une existence douce et tranquille fut le prix des vertus de M. Duhamel ; jouissant de la considération publique, de l’estime, du respect même de ses confrères, il avait obtenu la gloire qu’il désirait, celle d’avoir beaucoup fait pour le bien de l’humanité, occupé sans relâche, mais sans effort, récompensé du travail de ses recherches par le succès ou par l’utilité de leur résultat ; il était débarrassé des soins domestiques par l’amitié de son frère : aidé dans ses travaux par un coopérateur si cher, avec lequel il n’avait rien à disputer ni à partager, il vivait entouré de neveux dont les succès, dans plus d’un genre, étaient encore pour lui une source de bonheur.

Il les aimait avec la tendresse d’un père, mais d’un père sévère, qui, en s’occupant de ses enfants, suit plus sa raison que la leur, agit d’après son sentiment plus qu’il ne consulte leurs inclinations : il négligea leur fortune comme il avait négligé la sienne, et le prix de tous ses travaux a été perdu pour sa famille comme pour lui-même. Quelquefois il se plaignait d’être oublié, et même il s’en plaignait avec un peu d’humeur, parce qu’il trouvait cet oubli injuste et