Aller au contenu

Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 2.djvu/660

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
640
ÉLOGE DE M. DUHAMEL.


décourageant pour ceux qui, avec un zèle égal au sien, n’auraient ni la même fortune ni la même philosophie : mais il ne fit jamais rien pour que l’on réparât cette injustice, et il ne demandait même point qu’on le dédommageât d’une collection très-coûteuse de modèles de vaisseaux et de machines de marine qu’il avait rassemblée à ses frais et donnée au gouvernement, parce qu’il avait cru qu’elle serait plus utile étant déposée dans un lieu public, que si elle restait cachée dans la maison d’un particulier.

La mort de son frère vint troubler la paix dont il jouissait, le condamner à s’occuper de soins domestiques, à faire seul ce qu’il lui avait été si doux de partager avec un frère : ses neveux n’oublièrent rien pour adoucir l’amertume de cette perte ; l’un d’eux, son confrère dans cette Académie, et son disciple, devint le compagnon de ses travaux. Une nièce chérie lui prodigua, jusqu’à ses derniers moments, ces soins consolateurs auxquels son sexe sait mêler tant de douceur et un charme si touchant ; mais la chaîne qu’une longue habitude lui avait rendue si chère s’était brisée, et rien ne l’attachait plus à la vie.

Son ardeur pour l’étude n’était pas diminuée ; mais il s’affaissait peu à peu sous le poids de l’âge ; il avait l’air de faire les mêmes choses et avec la même activité, mais ses forces ne répondaient plus à ses désirs. Au printemps dernier il oublia, pour la première fois, d’aller voir ces plantations dont il avait embelli ses terres, et qui, par l’exemple qu’elles ont donné, étaient un de ses ouvrages les plus utiles. Quoiqu’il vînt avec la même assiduité à