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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 2.djvu/662

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ÉLOGE DE M. DUHAMEL.


çant à une erreur on ne tombe dans l’erreur opposée. Si les sciences se sont trop élevées vers le ciel, s’il a été avantageux de les rappeler vers la terre, il ne faut pas les condamner à y ramper.

On ne tait pas une découverte parce qu’on en a besoin, mais parce qu’elle est liée avec des vérités déjà connues, et que nos forces peuvent enfin franchir l’espace qui nous en sépare. Si les savants avaient borné leurs études aux objets qui présentent une application immédiate, les branches des sciences les plus importantes ne seraient peut-être point encore créées ; et sans cet instinct qui porte l’homme vers des recherches qui paraissent vaines aux yeux du vulgaire, jamais il n’eût employé, d’une manière si utile à ses besoins, son infatigable curiosité.

Craignons des opinions qui, sous prétexte de réduire les sciences à leur véritable destination, favoriseraient l’ignorance, le plus grand des fléaux de l’espèce humaine, puisque étant la cause éloignée ou prochaine de presque tous ceux qui nous accablent, c’est encore elle qui nous empêche de prévenir ou de réparer le petit nombre de maux qu’on ne peut l’accuser de produire.

Des ignorants actifs, sous prétexte de l’utilité qui résulte de leurs médiocres connaissances, usurperaient la gloire due aux talents ou au génie ; la charlatanerie, espèce d’hypocrisie, qui, née du goût pour des sciences, croît avec elles, et se multiplie à mesure qu’elles se répandent, régnerait à la place du véritable talent, avec d’autant plus de facilité,