Aller au contenu

Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 2.djvu/668

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
648
ÉLOGE DE M. DE VAUCANSON.

Cette machine devint bientôt l’objet de la curiosité d’un monde plus avide de nouveauté que sensible aux grands talents, prodiguant au hasard l’enthousiasme ou le dédain, et passant rapidement de l’un à l’autre pour un objet qui n’a pas cessé d’être le même. Quelques-uns de ces hommes qui se croient fins, parce qu’ils sont soupçonneux et crédules, ne voyaient dans le flûteur qu’une satinette, et regardaient comme une charlatanerie les mouvements des doigts qui imitaient ceux de l’homme. Enfin, l’Académie des sciences fut chargée d’examiner l’automate, et elle constata que le mécanisme employé pour faire rendre des sons à la flûte exécutait rigoureusement les mêmes opérations qu’un véritable joueur de flûte, et que le mécanicien avait imité à la fois les effets et les moyens de la nature, avec une exactitude et une perfection à laquelle les hommes les plus accoutumés aux prodiges de l’art n’eussent pas imaginé qu’il pût atteindre.

À cette machine succéda bientôt un automate qui jouait à la fois du tambourin et du galoubet, comme les successeurs de nos anciens troubadours. Enfin, on vit deux canards qui barbotaient, mangeaient, allaient chercher le grain, le saisissaient dans l’auge ; ce grain éprouvait dans leur estomac une sorte de trituration, il passait ensuite dans les intestins, et ce n’était pas la faute de M. de Vaucanson si les médecins avaient mal deviné le mécanisme de la digestion, ou si la nature opérait ces fonctions par des moyens d’un autre genre que ceux qu'il pouvait imiter. Os machines étaient des preuves