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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/100

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ÉLOGE DE M. D’ALEMBERT.


de M. de Maupertuis, ne fut point blessé de ce nouveau refus, et voulut que la place de président de son académie restât vacante, tant que l’homme qu’il en avait jugé digne pourrait l’occuper. M. D’Alembert crut lui devoir l’hommage de sa reconnaissance, et, après l’avoir été trouver dans ses États de Westphalie, il le suivit à Berlin, où il passa plusieurs mois. On vit un philosophe paisible, appelé sans aucun titre dans une cour guerrière, et admis dans la familiarité d’un roi qui, après avoir résisté à une ligue formidable, venait de couronner ses victoires par une paix glorieuse. Aucun capitaine de son siècle n’avait gagné tant de batailles ; et lui seul avait enrichi, par des découvertes, cet art destructeur de la guerre, dont les progrès sont pourtant le seul moyen de faire jouir les peuples d’une paix presque perpétuelle : car telle est la nature de l’homme que sa fureur pour les jeux de toute espèce diminue à mesure que l’on y affaiblit l’influence du hasard. Cependant ce prince n’était enivré ni de ses triomphes, ni du bruit de sa renommée, il se plaisait à cultiver, dans la paix, la philosophie et les arts ; parlant avec simplicité de ses succès, de ses revers, de ses dangers, de ses ressources, et même de ses fautes, il comparait la gloire d’avoir fait Athalie à celle de ses victoires, en observant que le poëte ne devait rien au sort ni à d’autres qu’à lui-même ; et vivait avec le philosophe français dans cette égalité qui, malgré la différence des rangs, s’établit nécessairement entre les hommes de génie.

M. D’Alembert avait refusé, peu de temps aupara-