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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/101

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ÉLOGE DE M. D’ALEMBERT.


vant, une offre plus brillante : l’impératrice de Russie lui avait proposé de le charger de l’éducation de son fils, et de l’en charger seul ; les titres, les récompenses, tous les avantages qui eussent flatté ou séduit un homme ordinaire, étaient prodigués. La gloire d’élever l’héritier d’un grand empire eût pu éblouir un homme d’un esprit supérieur ; et l’espérance de contribuer au bonheur de cent peuples, réunis sous les mêmes lois, pouvait toucher un philosophe : M. D’Alembert ne fut point ébranlé ; il crut qu’il ne devait pas à une nation étrangère le sacrifice de son repos ; que si ses talents pouvaient être utiles, ils appartenaient à sa patrie, et qu’une cour orageuse, où, dans l’espace de vingt ans, deux révolutions avaient renversé le trône, et où le changement du ministère avait été souvent aussi funeste qu’une révolution, ne devait pas être le séjour d’un philosophe qui était bien sûr de n’avoir aucun des talents nécessaires pour s’y conduire.

Il refusa donc cet honneur comme il l’aurait accepté, sans orgueil et sans ostentation ; cependant ces offres lui furent utiles, elles servirent à faire mieux connaître à la nation française la valeur de ce qu’elle possédait ; et la jalousie littéraire, la haine des partis furent envenimées, mais subjuguées par la force de l’opinion publique.

En 1765, M. D’Alembert donna son ouvrage sur la destruction des Jésuites. L’abolition de cet ordre lui parut un événement assez important dans l’histoire des opinions humaines pour mériter qu’il en traçât les détails, et cette histoire fut impartiale ;