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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/128

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ÉLOGE DE M. DE TRESSAN.


se rappeler qu’à la procession de la Ligue, il y avait trois mille moines et pas un philosophe.

La mort de ce prince, celle de sa fille et de son petit-fils, firent perdre à M. de Tressan toutes les personnes augustes dont les bontés pouvaient nourrir en lui des restes d’ambition ; c’est en général pour les hommes la dernière de leurs passions, et surtout elle ne quitte jamais absolument ceux qui ont vécu dans les cours. Ce fut alors qu’il sentit le prix de l’habitude qu’il s’était formée de cultiver son esprit, et par la lecture et par la composition de quelques ouvrages. Le premier fruit de sa retraite fut consacré à l’éducation de ses enfants ; mais, après avoir rempli ce devoir par un livre sérieux, intitulé Réflexions sur l’Esprit, il renonça aux recherches philosophiques, abrégea les Amadis, traduisit l’Arioste, et fit des romans de chevalerie.

Il trouvait dans sa famille les noms de Laure, de Diane, de Château-Morand, de la Fayette, noms célèbres dans les romans ; mais ce dernier pouvait l’exposer aune comparaison dangereuse : aussi eut-il ou la galanterie ou la prudence de ne pas s’exposer au parallèle.

Il crut qu’un chevalier ne devait point parler d’amour comme une femme tendre et sensible ; il substitua une gaieté piquante, mais modeste, des images voluptueuses, mais toujours enveloppées du voile de la décence, une liberté qui amuse, qui séduit, mais sans alarmer la pudeur, à cette douce sensibilité, à cette délicatesse, à cette pureté de sentiments qui caractérisent les ouvrages de Mme de la