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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/141

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ÉLOGE DE M. MACQUER.


talité singulière qui fait regarder l’opinion la moins fondée comme suffisante pour donner le droit de ravir aux hommes quelque portion de leur liberté, tandis qu’on exige que l’inutilité d’une prohibition soit rigoureusement prouvée, et souvent le soit depuis longtemps, pour se croire autorisé à la faire cesser. Il semble que, chez tous les peuples et dans tous les temps, on ait regardé l’esclavage comme le véritable état de l’homme, et la liberté comme un état forcé, et pour ainsi dire contre nature.

Vers 1750, M. Macquer fut chargé par la cour d’une commission particulière. Il existait alors en Bretagne un homme, le comte de la Garaie, qui, entraîné par une véritable passion à l’exercice de la bienfaisance, s’était dévoué depuis quarante ans au service de l’humanité souffrante. Il avait bâti un hôpital à côté d’un laboratoire de chimie ; il soignait, il traitait lui-même les malades auxquels il administrait les remèdes préparés dans son laboratoire, remèdes qu’il avait ou que du moins il croyait avoir inventés. Son premier ouvrage était fondé sur l’idée chimérique d’extraire des mixtes, parle moyen de l’eau, toutes leurs parties actives ; et on devait à cet ouvrage quelques préparations utiles, nouvelles ou peu connues.

D’autres idées du même genre avaient frappé depuis le comte de la Garaie ; et il voulait vendre au gouvernement ses nouveaux remèdes, comme il lui avait vendu ses premiers secrets, c’est-à-dire, toujours au profit de son hôpital. Il est singulier, peut-être, qu’un homme si bienfaisant fît un secret de