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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/156

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ÉLOGE DE M. BERGMAN.


rents. Wallerius avait espéré pouvoir faire passer sa chaire à un de ses élèves, et bientôt M. Bergman vit se réunir contre lui tons ceux qui formaient, à Upsal, le parti de l’ancien professeur : car tout homme célèbre a la triste facilité d’en avoir un, à moins qu’il n’ait la sagesse et la noble fierté de dédaigner un avantage si dangereux. Ce parti s’accrut bientôt de la foule de ces hommes condamnés à ne jamais reconnaître un mérite supérieur dans leurs contemporains, ainsi qu’à ne jamais croire une vérité si elle n’a point été une des opinions de leur jeunesse.

Deux dissertations sur l’alun, que M. Bergman avait données comme un essai de ses forces, furent critiquées avec amertume. Il devait succomber sous cette espèce de conjuration. Heureusement pour la chimie, le prince royal, aujourd’hui roi de Suède, était alors chancelier de l’université d’Upsal ; il consulta des savants qui, étrangers à ce corps, ne pouvaient partager les préventions de ses membres, examina les titres de M. Bergman et les reproches élevés contre lui, se chargea lui-même de répondre à ces reproches et de le défendre auprès du sénat. C’est à la fois une anecdote bien honorable pour les sciences, et une preuve frappante des progrès de la raison humaine, que de voir l’héritier d’un trône employer ses talents, plutôt encore que son crédit, à soutenir devant les chefs de la nation la cause du génie persécuté, et à lui faire obtenir justice.

On aurait pu craindre que M. Bergman, livré pendant longtemps à des études étrangères à la chimie, ne manquât, dans la nouvelle carrière où