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ÉLOGE DE M. EULER.


dont environ deux cents, déposés à l’Académie de Pétersbourg, avant sa mort, sont destinés à enrichir successivement la collection qu’elle publie.

Mais un caractère particulier m’a semblé le distinguer des hommes illustres qui, en suivant la même carrière, ont obtenu une gloire que la sienne n’a pas éclipsée ; c’est d’avoir embrassé les sciences mathématiques dans leur universalité, d’en avoir successivement perfectionné les différentes parties, et, en les enrichissant toutes par des découvertes importantes, d’avoir produit une révolution utile dans la manière de les traiter. J’ai donc cru qu’en formant un tableau méthodique des différentes branches de ces sciences ; en marquant pour chacune les progrès, les changements heureux qu’elle doit au génie de M. Euler, j’aurais du moins, autant que mes forces me le permettent, donné une idée plus juste de cet. homme célèbre qui, par la réunion de tant de qualités extraordinaires, a été pour ainsi dire un phénomène dont l’histoire des sciences ne nous avait encore offert aucun exemple.

L’algèbre n’avait été pendant longtemps qu’une science très-bornée ; cette manière de ne considérer l’idée de la grandeur que dans le dernier degré d’abstraction où l’esprit humain puisse atteindre ; la rigueur avec laquelle on sépare de cette idée tout ce qui, en occupant l’imagination, pourrait donner quelque appui ou quelque repos à l’intelligence ; enfin l’extrême généralité des signes que cette science emploie, la rendent, en quelque sorte, trop étrangère à notre nature, trop éloignée de nos concep-