Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/20

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
8
ÉLOGE DE M. EULER.


tions communes, pour que l’esprit humain put aisément s’y plaire et en acquérir facilement l’habitude. La marche même des méthodes algébriques rebutait encore les hommes les plus propres à ces méditations ; pour peu que l’objet qu’on poursuit soit compliqué, elles forcent de l’oublier totalement, pour ne songer qu’à leurs formules ; la route qu’on suit est assurée ; mais le but où l’on veut arriver, le point d’où l’on est parti, disparaissent également aux regards du géomètre ; et il a fallu longtemps du courage pour oser perdre la terre de vue, et s’exposer sur la foi d’une science nouvelle. Aussi, en jetant les yeux sur les ouvrages des grands géomètres du siècle dernier, de ceux même auxquels l’algèbre doit les découvertes les plus importantes, on verra combien peu ils étaient accoutumés à manier ce même instrument qu’ils ont tant perfectionné ; et l’on ne pourra s’empêcher de regarder comme l’ouvrage de M. Euler, la révolution qui a rendu l’analyse algébrique une méthode lumineuse, universelle, applicable à tout, et même facile.

Après avoir donné sur la forme des racines des équations algébriques, sur leur solution générale, sur l’élimination, plusieurs théories nouvelles, et des vues ingénieuses ou profondes, M. Euler porta ses recherches sur le calcul des quantités transcendantes. Leibnitz et les deux Bernoulli se partagent la gloire d’avoir introduit dans l’analyse algébrique les fonctions exponentielles et logarithmiques. Cotes avait donné le moyen de représenter, par des sinus ou des cosinus, les racines de certaines équations algébriques.