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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/196

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ÉLOGE DE M. DE MILLY.


encore ; à s’occuper de pénétrer ceux qu’on annonce, à donner quelque confiance aux hommes qui leur promettent de les initier dans ces mystères. M. le comte de Milly partagea cette faiblesse avec des chimistes très-célèbres. Mais heureusement ce goût ne lui avait pas fait perdre celui des recherches vraiment scientifiques ; c’était pour lui une diversion à des travaux plus sérieux, un véritable amusement beaucoup moins frivole que la plupart de ceux auxquels se livrent les hommes mêmes qui passent pour les plus sages auprès de la multitude.

M. le comte de Milly, avide de connaissances, et prompt à embrasser tous les moyens d’en acquérir, avait voulu être admis dans toutes les sociétés où il pouvait espérer de trouver quelques lumières, et surtout dans celles qui, faisant profession d’avoir une doctrine secrète, excitent une curiosité plus vive. Il croyait d’ailleurs ces associations utiles en général pour réunir entre eux les hommes qui ont secoué le joug des préjugés populaires, et qui, s’ils manquent d’un point de réunion, sont exposés à se trouver sans force contre les troupes plus ou moins nombreuses que l’erreur rassemble sous cent drapeaux différents.

Il s’était attaché particulièrement à cette société, dont l’origine est inconnue, ou du moins obscurcie par des fables, qui, répandue dans l’Europe depuis plusieurs siècles, tantôt ignorée et tantôt l’objet d’une curiosité inquiète, a essuyé souvent des persécutions sans avoir jamais mérité de reproches ; qui, en cherchant à cacher le véritable esprit de son ins-