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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/247

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ÉLOGE DE M. GUETTARD.


cuté, choix bien naturel à toute âme noble et sensible. Il eut avec Pascal un autre trait de ressemblance, ce fut de ne pouvoir souffrir dans les affaires de religion ces ménagements politiques que l’on honore du nom de sacrifice pour le bien de la paix. Il ne voyait point de milieu entre la vérité et le mensonge, entre ce qu’on croyait et ce qu’on ne croyait pas ; il eût pardonné une erreur de bonne foi, plus aisément que l’artifice ou la faiblesse, dans la défense de ce qu’on croyait être la vérité. Dévot, et dévot de parti, on serait tenté de penser qu’il a dû être intolérant ; un sentiment profond de justice et d’humanité l’en a préservé : il n’avait d’intolérance que dans ses discours, et seulement lorsqu’il était animé par la contradiction. Facile à s’irriter, il perdait alors le pouvoir de retenir ses mouvements et de mesurer ses expressions ; mais averti par sa bonté naturelle, rappelé à lui-même par la religion, il se reprochait sa vivacité, et souvent en demandait pardon. Cependant, en convenant ou de son humeur ou de la dureté de ses expressions, s’il n’avait pas changé d’opinion, il se gardait bien de le dire, et un amour-propre délicat eût quelquefois été plus blessé de ses réparations que de ses injures. Sujet à des préventions, et comme religieux et comme médecin, souvent même à des préventions personnelles, elles ne l’écartaient pas de la justice. Un de ses confrères le remerciait un jour de lui avoir donné sa voix : « Vous ne me devez rien, lui répondit-il ; si je n’avais pas cru qu’il fût juste de vous la donner, vous ne l’auriez pas eue, car je ne vous aime pas. »