Aller au contenu

Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/251

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
239
ÉLOGE DE M. GUETTARD.


le soulager, mais sans pleurer avec lui ; qu’il étendait cette sensibilité jusque sur les animaux, et qu’il avait expressément défendu qu’on en tuât aucun pour lui ou chez lui ; pitié utile et presque nécessaire pour conserver dans toute sa pureté ce sentiment d’humanité, la plus forte et peut-être la seule barrière efficace que la nature ait opposée à l’intérêt et à la colère.

Les cris avec lesquels on proclame dans les rues les arrêts de mort, troublaient son repos au point de lui inspirer le désir d’abandonner le séjour de Paris. « Comment, disait-il, n’être pas révolté d’entendre annoncer tranquillement qu’un homme va égorger publiquement un autre homme, et inviter à cet horrible spectacle un peuple que l’abjection et la misère ne disposent déjà que trop à la férocité ! » Et il bénissait ces souverains qui, convaincus que toute rigueur inutile est dès lors injuste, ont cru suivre la voix de la justice autant que celle de l’humanité, en cessant d’exposer les ministres de leurs lois aux remords et au danger d’une erreur qui ne peut plus être réparée.

M. Guettard était né avec une constitution très-saine, que des voyages, une vie dure et la sobriété avaient fortifiée ; mais il était devenu sujet à des accès de sommeil léthargique : dans un de ces accès, il se brûla le pied ; la guérison de cette blessure fut longue et douloureuse ; il souffrit avec une patience également stoïque et le mal et les remèdes, quoique souvent persuadé de leur inutilité. Je vois bien, disait-il, qu’ils veulent prévenir le coup  ; mais