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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/263

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ÉLOGE DE M. L’ABBÉ DE GUA.


réalité des corps ne peut être appuyée que sur la permanence que nous observons dans certains groupes de sensations, et la constante régularité des lois auxquelles sont assujettis les phénomènes successifs que ces groupes permanents nous présentent, alors il eût presque autant étonné le vulgaire et n’eût pas blessé les oreilles des philosophes ; mais quand il va jusqu’à dire qu’il ne peut exister de corps, quand il veut expliquer comment nos idées et nos sensations existent dans Dieu, comment nous les y voyons, et de quelle manière s’est opérée la création de l’univers matériel ; alors, si on le trouve encore quelquefois ingénieux et subtil, il est presque toujours chimérique et inintelligible.

Pour bien faire cette traduction, il ne suffisait pas des qualités qu’on exige d’un traducteur ordinaire, il fallait être très-exercé dans toutes les subtilités de la métaphysique la plus abstraite ; il fallait connaître toutes les finesses de la langue philosophique des deux idiomes, pour rendre facile la lecture d’un ouvrage où les raisonnements les plus justes paraissent des sophismes, et où l’on est tenté de prendre pour des chimères les vérités mêmes qu’il renferme.

M. l’abbé de Gua fit graver à la tête du livre une vignette très-ingénieuse. Un philosophe rit d’un enfant qui, voyant son image dans un miroir, la prend pour un objet réel et cherche à la saisir ; on lit au bas : Quid rides ! mutato nomine de te fabula narratur.... Et le traducteur rend ainsi, par une seule image, un système métaphysique tout entier.