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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/266

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ÉLOGE DE M. L’ABBÉ DE GUA.


de la loterie, mais aux perles réelles qu’elle fait essuyer aux joueurs.

Sans doute, quelques-uns d’entre eux se retirent du jeu avec plus ou moins de gain ; mais ce profit ne doit pas plus entrer en compensation des pertes, que les frais de perception d’un autre subside, qui sont aussi un profit pour les hommes chargés de le lever. Une loterie est donc un de ces impôts pour lesquels la nation paye beaucoup, et qui ne font entrer dans le trésor public qu’une faible partie de ce qu’elle a payé.

Ce qui rend plus singulier peut-être le goût de M. l’abbé de Gua pour les loteries, et peut l’excuser en quelque sorte d’en avoir proposé une, c’est qu’elles lui avaient fait beaucoup de mal.

Étant jeune, il y avait gagné une somme assez considérable, et dans une circonstance où il avait tenté cette ressource, uniquement parce que c’était la seule qui lui restât pour éviter le malheur de retourner dans sa province, et d’abandonner la capitale ; il y mit ensuite par reconnaissance, imagina bientôt qu’il serait possible de jouer ce jeu avec avantage, d’après l’observation de causes d’inégalité réelles, mais trop faibles pour que l’on puisse en déterminer l’influence ou en profiter, et finit par y perdre beaucoup.

Ce n’est pas la seule fois qu’il ait abusé, et toujours à son désavantage, de l’opinion, d’ailleurs très-fondée, qu’il est possible, d’après l’observation des faits passés, d’y saisir une loi, et de prévoir les événements futurs avec quelque probabilité : il lui