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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/297

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ÉLOGE DE M. BOUVART.


qui est regardé comme le nombre ordinaire ; et ses antagonistes avaient raison d’observer que cette détermination arbitraire ne pouvait servir de base à des décisions juridiques.

Nous sommes obligés de compter M. Bouvart parmi les adversaires de l’inoculation ; il fut témoin des progrès que cette pratique a faits parmi nous, et il eut le malheur de la combattre constamment, et d’opposer trop souvent des accidents douteux et rares à des succès constants et nombreux. Il est affligeant de trouver presque toujours des hommes respectables par leurs lumières, au nombre des ennemis des vérités utiles, et de les voir prêter aux préjugés un appui qui en prolonge la durée ; c’est sans doute que jusqu’ici notre éducation, nos méthodes de s’instruire, ont été plus propres à donner à l’esprit de la force que de la justesse ; car on ne peut regarder comme volontaire ce refus souvent si opiniâtre et si long d’ouvrir les yeux à la lumière. En morale, où presque tous les préjugés sont utiles à leurs défenseurs, on est tenté de soupçonner de quelque motif d’intérêt les gens éclairés qui, en se rangeant du parti de l’erreur, sont assurés de s’y placer au premier rang et de s’emparer des avantages qu’elle promet. Mais dans les sciences physiques, où la gloire est, sinon la seule récompense, du moins le seul moyen d’en obtenir, et où elle ne se trouve qu’auprès de la vérité, la mauvaise foi qui ferait souteuir une erreur serait sans motif, et c’est en partie pour cette raison que les préjugés y sont moins durables ; aussi M. Bouvart vit-il naître et s'é-