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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/296

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ÉLOGE DE M. BOUVART.


ce genre soit susceptible ; mais alors ce terme sera nécessairement prolongé jusqu’à une époque très-reculée, après laquelle la réclamation serait révoltante, à moins qu’elle ne fût appuyée sur des faits accompagnés de circonstances extraordinaires ; or, ces mêmes circonstances semblent en quelque sorte rendre injuste le refus d’examiner. Prononcer que tout examen est inutile, est si rarement le langage de la raison, qu’il ne peut jamais être celui de la justice. Il serait donc plus conforme à l’équité de ne fixer aucun terme, d’examiner les preuves positives et négatives qui établissent les vérités de chaque fait allégué, en ayant égard à cette observation indispensable, que plus il est opposé à l’ordre commun des événements naturels, plus les preuves doivent être fortes. En général, on ne peut nier un fait particulier qu’après avoir pesé la probabilité des preuves qui l’appuient, et celle des motifs généraux qui semblent l’exclure de la classe des faits possibles. Si le philosophe ou le physicien se dispensent de cet examen, c’est que toutes les fois qu’ils en prévoient d’avance le résultat avec une forte vraisemblance, il serait injuste d’exiger d’eux qu’ils employassent un temps réclamé par des occupations dont le succès est moins incertain ; or, cette raison perd toute sa force aussitôt que l’examen d’un fait devient un devoir de justice.

M. Bouvart voulait qu’on fixât un terme ; mais celui qu’il déterminait lui-même n’était établi d’après aucun principe donné par l’observation ; il ajoutait seulement un nombre arbitraire de jours à celui