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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/303

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ÉLOGE DE M. BOUVART.

Une pratique immense, un mariage riche, avaient procuré à M. Bouvart une fortune considérable ; mais sa vie n’en fut pas moins simple, et il n’en tira que l’avantage de mettre dans l’exercice de sa profession plus de bienfaisance et de noblesse. Cependant il se permettait de faire justice de la mesquinerie des gens riches ; un d’eux lui ayant fait porter par son valet de chambre de modiques honoraires rigoureusement calculés, il les renvoya, en ajoutant : Dites à votre maître que je fais la médecine gratis pour les pauvres. Mais si M. Bouvart était quelquefois juste jusqu’à la sévérité, il savait aussi être généreux.

Un homme qui tenait une banque, après avoir essuyé des pertes considérables, était à la veille de suspendre ses payements : le chagrin violent qu’il éprouvait altéra sa santé. Dès le premier coup d’œil, M. Bouvart soupçonna la cause des accidents ; il essaya de pénétrer le secret du malade, ses tentatives furent inutiles : comme il se retirait, il apprit de la femme du banquier, que pour satisfaire à des échéances très-prochaines, il lui manquait vingt mille livres qu’il n’avait pu trouver chez aucun ami. M. Bouvart écoute sans rien dire, quitte la maison, revient bientôt, apporte la somme, et guérit ainsi le malade [1].

  1. J’ai tiré cette anecdote d’un éloge prononce par M. de la Fize à l’assemblée publique de la faculté de médecine, dans lequel M. Bouvart a été apprécié par un savant digne de le juger, et peint par un ami sensible, mais impartial et juste.