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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/320

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ÉLOGE DE M. DE LUYNES.


On lui a reproché de les avoir même examinés ; mais peut-être est-il plus sage de dévoiler les erreurs populaires que de les dédaigner, ou d’attendre pour les attaquer qu’elles aient déjà des enthousiastes prêts à se sacrifier pour elles, des sophistes armés pour les défendre, des fourbes intéressés à les protéger. Combien d’erreurs ont longtemps avili l’espèce humaine, qui auraient été étouffées dans leur berceau, si une sage prévoyance avait dissipé les illusions dont la crédulité ou la fourberie l’avaient entouré ! Sans parler d’exemples plus anciens et plus effrayants, n’a-t-on pas vu de nos jours une chimère, dont le nom même est devenu ridicule, former en peu d’années une secte nombreuse, ayant des prosélytes dans toutes les classes, portant déjà tous les caractères du fanatisme, et disparaître cependant au moment même où les physiciens qui l’avaient méprisée, ont laissé tomber sur elle quelques-uns de leurs regards ?

Peu d’évêques ont mieux rempli que M. le cardinal de Luynes, la double tâche d’instruire les hommes de leurs devoirs et de les soulager dans leurs malheurs. Il avait une éloquence naturelle, peut-être un peu verbeuse, mais douce, facile, harmonieuse, toujours claire, souvent noble et même élégante.

Il parlait sur-le-champ et sans la moindre préparation : on l’a vu remplacer dans la chaire un orateur à qui la mémoire avait manqué, reprendre son texte et ses divisions, les suivre et les remplir. Dans ces occasions, ses traits, le son de sa voix ne