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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/319

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ÉLOGE DE M. M. DE LUYNES.


postérité. L’ouvrage, longtemps célèbre sous le titre de l'Art de penser, avait été le fruit de ces savantes conversations. Nous devons à feu M. le duc de Chaulnes une machine à diviser, faite d’après un principe ingénieux et nouveau ; et à son fils des mémoires sur les arts et sur la chimie, où l’on trouve à la fois des vues utiles et des résultats neufs et piquants.

M. le cardinal de Luynes ne crut pas que les travaux des sciences fussent incompatibles avec les devoirs de l’épiscopat ; il avait du moins pour excuse l’exemple du pape Gerbert, qui a introduit dans l’Europe chrétienne l’usage de l’arithmétique décimale, et qui, pour avoir été le premier mathématicien de son temps, n’en mérita pas moins par ses vertus l’archevêché de Reims et le trône pontifical.

L’astronomie, la gnomonique, la construction des instruments de météorologie remplissaient tour à tour les loisirs de M. le cardinal de Luynes.

Ces occupations douces et faciles étaient de véritables plaisirs pour un esprit naturellement actif, et peut-être même il leur dut en partie de n’avoir jamais regretté ceux dont l’austérité de son état le condamnait à se priver.

Dans les premières années de son séjour à Bayeux, on lui dénonça de prétendus possédés ; il eut assez de philosophie pour ne regarder cet événement que comme un phénomène de physique qu’il fallait examiner ; et ces prestiges qui, un siècle auparavant, auraient fait élever des bûchers, disparurent aux premiers regards d’un prélat aussi éclairé que pieux.