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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/330

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ÉLOGE DE M. DE FOUCHY.


de répandre, et de voiler celles qu’il croyait ne devoir semer que dans un petit nombre d’esprits ; il savait choisir ses expressions de manière à réveiller des idées différentes dans les diverses classes de lecteurs, et à faire entendre à chacun ce qu’il pouvait comprendre, ce qu’il devait savoir, et cependant tous croyaient également l’avoir entendu. M. de Fontenelle avait donc, soit par une suite de son caractère, soit par un choix volontaire, la philosophie qui convenait le mieux au moment où la marche naturelle des esprits avait marqué pour les peuples de l’Europe le passage de la servitude des préjugés au règne de la raison ; c’est-à-dire, à une époque où la vérité timide et méconnue ne pouvait plus se cacher, mais ne devait se montrer qu’avec précaution, où il fallait placer devant elle un voile qui l’empêchât de blesser des yeux longtemps fermés à la lumière, et que cependant les hommes dignes de la contempler et cachés dans la foule, pussent aisément soulever.

Mais ces formes ingénieuses, ce talent de ne montrer la vérité qu’à demi, afin d’augmenter le plaisir de la saisir, de cacher sous des expressions communes la force ou la hardiesse des idées, eussent été dans les successeurs de M. de Fontenelle la manière d’un écrivain, et non l’art d’un philosophe qui craint de compromettre la raison ; et le moment était venu où elle pouvait se montrer avec moins de parure.

Dans un temps où les sciences n’étaient pas si répandues, M. de Fontenelle devait chercher à rap-