sa naissance lui marquait sa place, où il pouvait espérer des succès brillants et
se livrer à de grandes espérances : elles furent sacrifiées aux sciences, et ce n’est point le seul exemple que l’histoire de l’Académie puisse présenter de ce noble dévouement. Ce qui rend plus singulier celui de M. de Buffon, c’est qu’alors il n’était entraîné vers aucune science en particulier, par cet attrait puissant qui force l’esprit à s’occuper d’un objet et ne laisse pas à la volonté le pouvoir de l’en distraire. Mais tout ce qui élevait ses idées ou agrandissait son intelligence, avait un charme pour lui ; il savait que si la gloire littéraire est, après la gloire des armes, la plus durable et la plus brillante, elle est de toutes, celle qui peut le moins être contestée ; il savait enfin que tout homme qui attire les regards du public, par ses ouvrages ou par ses actions, n’a plus besoin de place pour prétendre à la considération, et peut l’attendre de son caractère et de sa conduite.
Les premiers travaux de M. de Buffon furent des traductions ; circonstance singulière, que n’a encore présentée la vie d’aucun homme destiné à une grande renommée. Il désirait se perfectionner dans la langue anglaise, s’exercer à écrire dans la sienne ; étudier dans Newton le calcul de l’infini ; dans Hales, les essais d’une physique nouvelle ; dans Tull, les premières applications des sciences à l’agriculture ; il ne voulait pas, en même temps, qu’un travail nécessaire à son instruction retardât l’instant où il commencerait à fixer sur lui les regards du public, et il traduisit les livres qu’il étudiait.