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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/352

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ÉLOGE DE M. DE BUFFON.


fois aux regards des hommes avides de se connaître, et surpris de tout ce qu’ils apprenaient sur eux-mêmes, et de retrouver ce qu’ils avaient éprouvé, ce qu’ils avaient vu sans en avoir eu la conscience ou conservé la mémoire.

Avant d’écrire l’histoire de chaque espèce d’animaux, M. de Buffon crut devoir porter ses recherches sur les qualités communes à tous les individus dont elle se compose et qui les distinguent des êtres des autres classes. Semblables à l’homme dans presque tout ce qui appartient au corps, n’ayant avec lui, dans leurs sens, dans leurs organes, que ces différences qui peuvent exister entre des êtres d’une même nature, et qui indiquent seulement une infériorité dans des qualités semblables, les animaux sont-ils absolument séparés de nous par leurs facultés intellectuelles ? M. de Buffon essaya de résoudre ce problème, et nous n’oserions dire qu’il l’ait résolu avec succès. Craignant d’effaroucher des regards faciles à blesser, en présentant ses opinions autrement que sous un voile, il les couvre d’un voile qui a paru trop difficile à percer ; on peut aussi lui reprocher, avec quelque justice, de n’avoir pas observé les animaux avec assez de scrupule, de n’avoir point porté ses regards sur des détails petits en eux-mêmes, mais nécessaires pour saisir les nuances très-fines de leurs opérations. Il semble n’avoir aperçu dans chaque espèce qu’une uniformité de procédés et d’habitudes, qui donne l’idée d’êtres obéissant à une force aveugle et mécanique, tandis qu’en observant de plus près, il aurait pu apercevoir des différences très-sensibles