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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/351

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ÉLOGE DE M. DE BUFFON.


le fond est partout le même, modifié lentement par l’action continue du climat, du sol, des habitudes, des préjugés, changer de couleur et de physionomie comme de goût et d’opinion ; acquérir ou perdre de la force, de l’adresse, de la beauté, comme de l’intelligence, de la sensibilité et des vertus ! Avec quel plaisir on suit dans son ouvrage l’histoire des progrès de l’homme, et même celle de sa décadence ; on étudie les lois de cette correspondance constante entre les changements physiques des sens ou des organes, et ceux qui s’opèrent dans l’entendement ou dans les passions ; on apprend à connaître le mécanisme de nos sens, ses rapports avec nos sensations ou nos idées, les erreurs auxquelles ils nous exposent, la manière dont nous apprenons à voir, à toucher, à entendre, et dont l’enfant, de qui les yeux faibles et incertains apercevaient à peine un amas confus de couleurs, parvient, par l’habitude et la réflexion, à saisir d’un coup d’œil le tableau d’un vaste horizon, et s’élève jusqu’au pouvoir de créer et de combiner des images ! Avec quelle curiosité enfin on observe ces détails, qui intéressent le plus vif de nos plaisirs, et le plus doux de nos sentiments, ces secrets de la nature et de la pudeur, auxquels la majesté du style et la sévérité des réflexions donnent de la décence et une sorte de dignité philosophique, qui permettent aux sages mêmes d’y arrêter leurs regards, et de les contempler sans rougir !

Les observations dispersées dans les livres des anatomistes, des médecins et des voyageurs, forment le fond de ce tableau offert pour la première